Mercedi 17 mai 2017 |
19h30 |
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La leçon |
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"Par les Partageurs de Rêves Troupe des amateurs de la Compagnie Partage" |
Tragi-comédie d'Eugène IONESCO
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Chez Jocelyn et Hervé DELACHANNAL Sainte Hélène du Lac
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Participation des frais au chapeau
La Leçon
Eugène IONESCO
Projet de Mise en scène par
La compagnie Partage
Quelques mots sur l’association.
L’association/compagnie Partage, dont le siège social est à Vizille, est une association Loi 1901, crée en 2002 et qui intervient dans le champ culturel, prioritairement le Théâtre, en direction d’amateurs. Ses activités sont très variées : ateliers lecture et écriture, production de spectacles, formation, animations et créations diverses.
Citons les principales activités de Partage :
· Travail d’écriture, sur des thèmes divers et variés, choisis par les écrivains amateurs, au sein d’un atelier
· Présentations publiques de lectures de textes d’auteurs confirmés ou écrits par les adhérents de l’atelier écriture
· Mise en scène de Mini-spectacles centrés sur la lecture de textes intégrant des acteurs de l’association et des artistes « extérieurs » (danseurs, plasticiens, chanteurs, comédiens)
· Organisation de stages divers ( initiation aux techniques du jeu du comédien, clown, vers classique et romantique, pantomime etc.)
· Mise en scène de spectacles théâtraux de petite forme, regroupant au maximum, une dizaine d’acteurs. Citons les plus récents : « Compagnons des mauvais jours » à partir de textes de Prévert, ou « Une soirée chez Jean de La Fontaine » autour des fables et poésies du poète.
· Mise en scène de spectacles de plus grande forme, regroupant de 30 à 45 comédiens. Citons les quatre productions théâtrales réalisées entre 2008 et 2016 : « Si Saint Firmin m’était conté », « Raconte-moi Allemont » « Mon pt’it Saint Pierre m’a dit », et plus récemment « Mémoires Ouvrières »
· Partage est aussi partenaire de la commune de Vizille pour certaines commémorations et actions de proximité, ainsi que de la commune de Notre-Dame de Mésage avec qui elle est liée conventionnellement pour animer plusieurs fois par an, des soirées culturelles dans le cadre magnifique de la Chapelle St Firmin. Nous avons aussi un lien pérenne avec diverses associations Vizilloises comme « Les Amis de l’histoire », « Le secours Populaire » , « le foyer des personnes âgées » « l’épicerie solidaire l’Escale »
Notons enfin que les activités artistiques et les stages sont encadrés par des artistes professionnels.
Les productions théâtrales de l’association « Partage », depuis sa création s’inscrivent donc résolument dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Education Populaire et l’Action Artistique de Proximité. En effet « Partage » n’est pas une « simple » troupe de théâtre amateur. Elle assure un travail permanent et important de formation et de sensibilisation à l’Art théâtral pour ses adhérents. Les spectacles mis en scène mobilisent et fidélisent un très grand nombre de comédiens amateurs et touchent un vaste public local, qui « par ricochet » se familiarise de plus en plus avec le théâtre.
Un public de théâtre n’est jamais facile à « conquérir », particulièrement quand il n’est pas familier des lieux culturels institutionnels. Nous avons cependant eu une excellente fréquentation publique qui n’a cessé de s’amplifier d’années en années. Ce succès public, tient pour l’essentiel à deux éléments. D’abord nous sommes très présents sur le territoire et bien identifiés par la population. Ensuite, sans jamais céder à la facilité ni à la complaisance, nos spectacles sont très accessibles. Ce dernier élément tient au fait que, bien qu’étant fort différentes les unes des autres, les pièces que nous avons montées avaient un point commun, qui s’est avéré un point d’accroche efficace du public : Toutes abordaient l’histoire locale, la petite comme la grande, ancienne ou plus récente. Il est apparu évident que ce contexte historique local et les sujets abordés « parlaient » immédiatement aux habitants du bassin, retenaient leur attention, et aiguisaient leur curiosité, et ce, suffisamment pour les faire venir au spectacle. Mais, pour prendre une image, il ne suffit pas que le menu affiché à l’entrée soit alléchant, encore faut-il que le repas soit à la hauteur ! Nous avons la faiblesse de croire que ce fut le cas. A l’évidence le public a trouvé dans nos spectacles, ce qu’il attendait. Mais, et là est le plus important, à l’occasion de ces nombreuses représentations, les spectateurs ont découvert, au-delà du spectacle lui-même et de l’histoire racontée, un univers, un espace des codes, ceux du théâtre, qu’ils ne connaissaient pas et qui les ont totalement séduits. Nous en voulons pour preuve la fidélisation notable de notre public.
Le mot du metteur en scène
Ce succès public, qui est évidemment très satisfaisant, a conduit « Partage » à faire un point et à s’interroger sur le sens de son action artistique et culturelle, quelques douze années après sa création. Il nous est apparu, que s’il était important de continuer le travail de conquête du public, tel que nous l’avions réalisés jusqu’ici, une autre étape devait être désormais franchie et conduite en parallèle, à savoir, proposer aussi des créations théâtrales d’une autre nature. Les passionnés de théâtre, que nous sommes, amateurs ou professionnels, avons la conviction que le théâtre, pour être vu et apprécié par un large public n’a pas forcément besoin d’être préalablement justifié par autre chose que par le fait qu’il est….du théâtre. Pour rencontrer un public, une pièce de théâtre digne de ce nom, c’est-à-dire écrite par un véritable auteur, un authentique créateur, n’a pas à être forcément portée par une thèse, une thématique, une histoire réaliste, une idéologie, une philosophie ostensiblement posés a priori. Elle est un univers en soi, même si bien sûr il intègre nécessairement tout ou partie de ces éléments. Mais il s’agit d’abord et avant tout de Théâtre, pas d’un pamphlet d’un slogan ou d’une conférence. . On a affaire ici avec un « objet » qui est, ou devrait être, essentiellement un espace intemporel, où s’expriment l’essence de l’Homme, ses « composantes » les plus profondes, les plus fondamentales, les plus universelles, d’aucun dirait les plus archétypales. Le théâtre grec antique en est l’exemple type.
Bien qu’admiratif de ces grands classiques grecs, j’ai choisi de mettre en scène des textes contemporains. C’est ainsi que j’ai monté « Antigone balayée » un texte inédit d’un jeune dramaturge Tchèque, Roman Sikora. Malgré le nom, cette pièce est extrêmement éloignée de celle de Sophocle et du mythe qu’elle transgresse allègrement. Ce spectacle est d’une facture très actuelle. Il est construit sur une dramaturgie, une scénographie, un texte, et un schéma narratif très contemporains et très éloignés, par la forme, de nos précédentes productions au sein de Partage. En effet celles-ci s’inscrivaient dans une forme théâtrale clairement réaliste. Présenté à notre public « habituel » tant à Vizille qu’à Allemont, ce spectacle a été très bien reçu et apprécié par les spectateurs, qui dans leur majorité, étaient « confrontés » pour la première fois, à une œuvre contemporaine. Ce bon accueil public d’une forme théâtrale réputée difficile, était très encourageant, et m’ a conforté dans l’idée, qu’il est possible de faire un théâtre « populaire » sans devoir ni rabaisser le niveau des œuvres présentées, ni ne présenter au public que des œuvres attendues (sécurisantes ?). C’est dans ce contexte que j’ai proposé à l’association « Partage » de mettre en scène « La Leçon » de Eugène Ionesco
Pourquoi monter « La Leçon » de Ionesco en 2016 ?
Seconde pièce de Ionesco, écrite en 1950 et présentée en 1951, donc il y a plus de 65 ans, La Leçon pourrait paraître un objet quelque peu suranné. Même si personne ne conteste le fait que le théâtre de Ionesco relève bel et bien du théâtre contemporain, la question se pose de savoir si cet auteur et cette pièce sont les plus pertinents pour faire connaître ce théâtre-là à un large public. Sans l’ombre d’une hésitation, je réponds : oui. Ionesco est pour moi l’auteur qui a révolutionné le théâtre du XXeme siècle (avec Beckett et quelques autres) et qui non seulement reste complètement actuel mais est probablement encore en avance sur notre époque et nombre de dramaturges d’aujourd’hui. Son radicalisme dans son opposition parfois féroce à toutes les formes dramaturgiques de son temps (et qui hélas perdurent encore aujourd’hui!), la profondeur de sa pensée, la puissance de sa philosophie, la constance de sa démarche créatrice, la densité des œuvres qu’il nous a laissées sont autant de chemins tracés qui sont encore bien loin d’avoir été tous explorés. J’ai la certitude que nous avons encore énormément à apprendre de cet homme exceptionnel. D’ailleurs les metteurs en scènes actuels, et pas des moindres, ne s’y sont pas trompés, Ionesco étant sans doute l’auteur dramatique le plus joué actuellement dans le monde. On ne compte plus les articles, les livres, les thèses qui ont été écrits sur Ionesco. Et chaque nouvelle étude montre un aspect encore inédit du génie de ce créateur. Pour ma part, de nombreuses raisons m’ont conduit à vouloir mettre en scène cet auteur. Si je ne devais n’en donner qu’une, ce serait que je me retrouve, en tant qu‘homme et en tant que metteur en scène de théâtre dans les grandes obsessions, les grands questionnements et les grandes affirmations de Ionesco. Dans le cadre de cette présentation, forcément succincte, j’ai choisi de ne sélectionner que les plus importants ou pour mieux dire, celles qui résonnent le plus chez moi. Je cite :
· Le réel n’a aucun intérêt. Ce qui en a c’est ce qui est « quelque part au-delà.
· Le théâtre doit être la révélation d’évidences cachées
· Le théâtre ne doit pas être illustration de quelque chose de déjà donné. Au contraire, il est exploration.
· Toute grande œuvre théâtrale est à la fois expression de l’époque – mais si elle n’est que le reflet de l’époque, elle tombe avec son temps, avec la mode- et expression d’une certaine universalité. Elle est aussi d’une façon beaucoup plus profonde , plus complète, plus indirecte, plus réfléchie et plus spontanée , expression de la singularité de l’auteur.
· C’est le propre de l’œuvre d’art de rendre conscient, l’inconscient
· L’existence est insolite…. Je préfère à l’expression « absurde » celle d’insolite ou de sentiment de l’insolite
· Mais ce qui est absurde, ou plutôt, ce qui est insolite, c’est d’abord le donné, la réalité ;
· Ce qui m’apparaît absurde , insolite au premier degré, c’est donc l’existence en soi ! C’est une insuffisance essentielle, une limite à notre entendement : je dirai plus exactement que je ne la comprends pas
· Trouver la théâtralité dans ce qui est son opposé, au moins apparemment
· Une pièce (de théâtre) n’est pas ceci ou cela, elle est ceci et cela
· ….Il est bien malheureux d’exister. ….Il serait encore plus malheureux de ne pas être
· J’écris par angoisse, par nostalgie…..une nostalgie qui ne connaît plus son objet ; ou qui, se fixant sur un objet, se rend compte que sa cause est ailleurs. Mais où ?
· Imaginer c’est construire, c’est faire, créer un monde…. A force de créer des mondes on peut « recréer » le monde à l’image des mondes inventés, imaginaires.
· J’ai l’impression que le monde lui-même peut se dérégler comme une machine
· La logique est en dehors de la vie
· Les personnages de mes premières pièces ne veulent pas, ne désirent pas communiquer. Ils sont vidés de toute psychologie. Ils sont tout simplement des mécaniques. Etant des mécaniques , s’ils ne peuvent pas communiquer, c’est avec eux-mêmes qu’ils ne le peuvent pas. Ils ne pensent pas, Ils sont séparés d’eux-mêmes…brefs les personnages de mes pièces sont des gens qui prononcent des slogans, ce qui leur épargne de penser.
· Ce dont souffre le monde moderne, c’est de l’absence de solitude... La vraie solitude est moins isolement que recueillement.
· …chaque œuvre valable est une œuvre originale qui apporte quelque chose qu’on ne connaissait pas
· Il arrive que le monde semble être vidé de toute expression, de tout contenu. Il arrive qu’on le regarde tout comme si l’on naissait à ce moment-là, et alors il nous apparaît étonnant et inexplicable
· L’étonnement d’être, débouche tantôt sur l’inquiétude et l’angoisse , tantôt sur l’émerveillement
· Le théâtre est une sorte de succession d’états et de situations allant vers une densification de plus en plus grande
· Le théâtre c’est peut-être cela :la révélation de quelque chose qui était caché. Le théâtre est l’inattendu qui se montre, le théâtre c’est la surprise
Parmi toutes les œuvres de Ionesco, j’ai choisi « La Leçon » pour plusieurs raisons.
· Tout d’abord parce qu’elle a été une des toutes premières pièces écrite par Ionesco, et que par conséquent elle représente une espèce d’archétype, de modèle initial, d’élément fondateur de ce qui deviendra une composante essentielle de l’art dramatique moderne, le « nouveau théâtre ». C’est passionnant de voir naître un acte créateur aussi fondamental. On assiste en effet avec cette pièce aux premiers pas, on pourrait dire à la naissance, d’un dramaturge qui deviendra l’un des plus importants du XXeme siècle.
· La Leçon est passionnante aussi, parce qu’elle est, comme toujours chez Ionesco, paradoxale. Elle raconte une histoire banale. Une histoire qu’on aurait pu voir dans le théâtre de boulevard, exécré par Ionesco : une jeune fille est assassinée par un professeur psychopathe. Mais Ionesco la déconstruit totalement. Il met à mal tout réalisme, il tord le réel, déstructure le langage, casse les codes de la logique. On est plongé immédiatement dans l’insolite, si caractéristique de son œuvre . Tout se mélange, le « normal » à peine esquissé est mis en pièce ; L’élève qui vient chez le Professeur pour préparer son « Doctorat total » est incapable de soustraire 3 de 4 ! C’est un exercice passionnant pour un metteur en scène de « se frotter » à une contrainte majeure du théâtre de Ionesco ; atteindre l’essence des choses et des êtres, en dépassant le « donné » immédiat, le réel banal et routinier. Il s’agit de rendre lisibles , ou plutôt sensibles, les archétypes, communs à toute l’espèce humaine, et qui se cachent derrière la personnalité singulière apparente des personnages, ici le Professeur, l’élève et la bonne. Il s’agit, comme toujours chez cet auteur, de dépasser l’immédiateté anecdotique et donc sans intérêt pour toucher à l’essentiel. Par exemple « voir » ce qu’il y a au-delà de la perversité et de la cruauté évidente du professeur. Comment dépasser ce premier degré, l’apparence, le superficiel qui règne en maître dans le théâtre du grand Guignol, ou dans le théâtre de boulevard, pour donner à voir l’universel : en l’occurrence ici, le pouvoir du savoir, le besoin de domination, la faiblesse humaine aussi. C’est certes une gageure, un défi à relever mais absolument passionnant pour un metteur en scène.
· J’ai aussi choisi La Leçon parce que, dans l’optique de sensibilisation/éducation artistique, qui est la nôtre à Partage, cette pièce me semble représenter un bon intermédiaire, une transition assez « douce» entre le théâtre réaliste et ce théâtre plus total, sans aucun doute plus fort car plus créatif.
· Enfin, cette pièce si elle est forte et riche dramaturgiquement et théâtralement, reste malgré tout une petite forme techniquement parlant. Elle est assez courte, sa scénographie est modeste (comparée à des pièces plus tardives de Ionesco où la machinerie est parfois très complexe, comme dans Amédé ), et elle demande un nombre limité d’acteurs.
Ce spectacle sera présenté pendant huit jours en avril 2017 à la Chapelle St Firmin de Notre-Dame de Mésage, au Château de Bon repos à Jarrie et enfin à la salle Stendhal à Grenoble.
Les activités connexes
Toute mise en scène, implique pour celui qui la dirige, un travail « théorique » préalable, que l’on pourrait globalement qualifier d’analyse dramaturgique: connaissance approfondie de l’auteur et de son œuvre, contexte historique, analyse précise et détaillée de la pièce (le travail de table). Ce travail préliminaire est particulièrement nécessaire (et passionnant) avec Ionesco, tant son univers, son écriture, ses partis-pris scénographiques etc. sont originaux, novateurs, dérangeants, voire déstabilisants et tranchent avec ceux de la majorité des autres auteurs dramatiques de son époque ou actuels. J’ai réalisé ce travail avec Madame Pierrette Tournier, professeur de lettres. Nous envisageons de lier, plus ou moins simultanément, la présentation de la pièce avec des conférences sur le théâtre de Ionesco. Nous prévoyons notamment des interventions dans les bibliothèques et médiathèques du territoire. Chaque fois que cela sera possible, nous présenterons un court extrait du Spectacle.
Nous allons également prendre contact avec des enseignants du secondaire pour intervenir de façon active dans les classes, comme je l’ai souvent fait des années durant, pour parler du spectacle certes mais aussi du théâtre en général. Ce travail s’inscrivant parfaitement pour Partage dans sa démarche éducative.
Chez Jocelyn et Hervé DELACHANNAL
Route de Peguet
Saint Hélène du Lac